segunda-feira, 12 de setembro de 2011

L’auteure, l’écrivaine et le grenouil

Le Nouvel Obs - 02-06-11 Jacques Drillon

Et si on disait plutôt la féminisme? C’est ce que propose un blogueur, qui réclame au passage la masculinisation de certains mots. Jacques Drillon a été emballé.
La "Microhyla nepenthicola", qui vit sur l’île de Bornéo, en Malaisie, est la plus petite grenouille connue en dehors du continent américain. Mais peut-être s'agit-il ici d'un grenouil?
Un mot seulement sur la féminisation des noms de fonction et de métier: écrivaines, auteures et consortes. Cela faisait rigoler Dumézil, qui faisait remarquer, derrière sa pile menaçante de bouquins, que Johnny Halliday était un chanteur, mais que c’était aussi une vedette. Ce qui n’empêche pas Martha Argerich d’être une grande artiste.
Un jour de 2007, sur France Culture, l’inénarrable Geneviève Fraisse a parlé des prostituées d’Amsterdam comme étant une majorité de «sans-papières». C’était culotté. Nous fûmes un certain nombre à lui tirer notre chapelle.
Les blagues de ce genre sont nombreuses, mais celle-là était la plus savoureuse. Réellement délectable, venant d’une philosophe professionnelle, élue européenne, «docteure d’Etat», professeur ici et à l’étranger, jusqu’en Amérique, où précisément on veut faire pendant à l’History en créant l’Herstory.
Aujourd’hui c’est un blogueur nommé Gérard Plaine qui nous écrit un petit mot dans lequel il propose de masculiniser certains mots, le mâle de la grenouille devenant le grenouil. Il ajoute, non sans quelque raison, qu’on devrait parler de la féminisme. Gérard Plaine est un homme distingué: il évite d’évoquer le genre qu’on donne aux organes sexuels (et sexuelles), qui semble avoir été fixé dans la plus grande anarchie, et sans plus de fermeté que le sexe des anges; mais il aurait pu (1).
Nous voudrions, à cette occasion, rappeler un mot français fort utile, quoique fort rarement employé. Et c’est le mot épicène. Epicène a deux genres et même deux sens. Il désigne d’abord ce qui est à la fois mâle et femelle: la grenouille, par exemple, est un nom épicène féminin; la grenouille femelle fait un têtard, et voilà un nom épicène masculin, car il y a des têtards mâles et des têtards femelles.
La grenouille, par exemple, est un nom épicène féminin. (Sipa)
Epicène désigne ensuite ce qui ne varie pas selon le genre: ainsi, délectable peut qualifier aussi bien la sortie de Fraisse que l’humour de Plaine. Quand vous dites «vous», ou «tu», vous employez des pronoms épicènes. Et quand vous dites «c’est un bel enfant», ou «une belle enfant», «un bon élève», «une bonne élève», vous employez des substantifs épicènes. Autrefois professeur était épicène. On disait «la professeur d’histoire». C’était le bon temps. Vous remarquerez qu’épicène est un adjectif épicène. Il n’a pas que cette qualité: il résout aussi la difficile différence entre sexe et genre, qui n’est pas si commode à formaliser. Beaucoup de batailles là-dessous (entendu l’autre jour une émission sur les transsexuels, où l’on disait toujours «transgenre»). En désignant à la fois ce qui est mâle et femelle, et ce qui masculin et féminin, épicène réconcilie tout le monde.
Voici donc notre souhait, notre vœu, notre recommandation:
Puisque la notion d’épicène est bien française, qu’elle a fait ses preuves, puisqu’elle est simple et de bon goût, pourquoi ne pas y faire appel systématiquement? La féminisation des noms de fonction et de métier a buté sur maire, sur ministre, et l’on dit aujourd’hui sans trop de gêne «Mme la ministre», «Mme la maire», parce que l’on ne pouvait pas dire ministresse, et que mairesse était déjà prise par la femme du maire; nous pourrions pareillement dire «elle est une grande auteur», «une grande écrivain». Comme on dit: «Mme Fraisse est une grande professeur», qu’elle est «une docteur d’Etat». Nous pourrions ainsi distinguer la colonelle (la femme du colonel), de la colonel (une militaire) – pour le mari de la colonel, il faudra trouver autre chose.
(1) Feu François Michel, homme de lettres délicieux, était parfois d’un snobisme effrayant. Il se proclamait «contre la nasalisation». Il ne prononçait pas «en effet», mais «anéfè», comme dans le Midi. En sorte qu’il était obligé, pour être cohérent, de prononcer «c’était une homme» et non «un homme». Etonnement général, perplexité, et ricanements: François Michel, précisément, était un homme qui avait mauvais genre.

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