sábado, 15 de outubro de 2011

Passé simple. Pas simple!

Mon père est parti. Mon père est sorti. Mon père est allé quelque part. Mon père s’en fut.
Quelle est la différence entre le passé composé et le passé simple ?
Si j’utilise le passe composé en portugais, celui-ci a un sens d’un présent continu». « Qu’est-ce que tu as fais » serait, si on le traduisait mot par mot, « qu’est-ce que tu deviens ? ». La structure grammaticale française est la même que la brésilienne :
● passé simple → il fit
● passado simples → ele fez

● passé composé → il a fait
● passado composto → ele tem feito

Mais: 1) le passe simple n’a pas d’équivalent en portugais. C’est un passé définitif ;
2) notre passé simple a le sens du passé composé ;
3) le sens de notre passé composé est qu’il part du passé et continue dans le présent : on a fait hier, on continue à faire aujourd’hui.
Tenho ido muito ao cinema.
Je vais souvent au cinema en ce moment.
En français c’est le présent qui peut avoir cette fonction, d’une séquence, de la répétition, du passé pas encore fini, puisque le présent peut être atemporel.
Qu’est-ce qu’on veut dire par « passé définitif » ?
Le verbe tout seul nous explicite que l’objet n’existe plus, nous n’avons pas besoin d’un complément. En portugais, ça ne se passe qu’avec le verbe aller. Se l’énonciation est : mon père s’en est allé, en portugais : o meu pai se foi, cela veut dire que mon père est mort, comme l’utilisation du passé simple en français. Mais cela ne se passe pas ainsi avec tous autres verbes.
Si le journaliste français raconte « Le 6 août 1945, l'Armée de l'air américaine lança une bombe atomique sur la ville japonaise d'Hiroshima. Des dizaines de milliers de personnes moururent pendant l'explosion initiale, et d'autres, beaucoup plus nombreuses encore, moururent de l'exposition aux radiations. Trois jours plus tard, le 9 août, les Etats-Unis larguèrent une seconde bombe sur la ville japonaise de Nagasaki. Le 8 août, l'Union soviétique déclara la guerre au Japon et envahit la Mandchourie. » Ce qu’il y a derrière ce verbe est que cela ne s’est passé qu’une seule fois, et puisque c’était la destruction totale comment pourrait-on recommencer ? et d’une certaine façon c’est un jugement de valeur, il ne veut pas que ce genre de chose recommence plus jamais.
Un autre exemple : nous traduisons le Petit Prince tout au passé simple qui a le sens du passé composé du français. Nous n’avons pas un verbe qui puisse remplacer le passé simple français. En portugais, ce qui n’existe plus devra recevoir un complément, ou nous ne le saurons qu’à la fin du livre, du texte, au moment de l’implosion de l’immeuble. Donc, lorsqu’à la fin du livre de Saint-Exupéry on découvre un appel de cet homme qui est devenu son ami : « Ne me laissez pas tellement triste: écrivez-moi vite qu’il est revenu… »
Pour nous, les Brésiliens, il y a un doute : est-ce que le petit bonhomme est vraiment mort ou pas ? Pour le Français ce qu’il peut rester flou c’est pourquoi le Petit Prince meurt juste après avoir trouvé ce qu’il avait cherché : l’amitié et un secret qui avait un nouveau sens à sa vie. A leur avis sa mission sur Terre est accomplie. En outre, le charme et la particularité du récit se seraient perdus si le Prince était resté sur Terre . Il aurait été obligé de grandir. Le Petit Prince doit mourir aussi pour donner au pilote l’espoir que la mort n’est que le passage dans une autre vie, que mourir c’est un peu comme rentrer chez soi.
« - Mais qu'est-ce que tu fais là?
Et il me répéta alors, tout doucement, comme une chose très sérieuse:
-S'il vous plaît... dessine-moi un mouton... (chapitre 2)
Nous, les Brésiliens, avons toujours le même espoir de l’aviateur : si on regarde bien le ciel, on verra la planète, la rose et on entendra un rire au milieu des étoiles.
Les Français n’ont pas de doutes : le passé simple tue le Petit Prince depuis sa première apparition sur scène. Personne peut survivre au passé simple !
J’essaye d’éclaircie encore un peu en utilisant un exemple de Mme Vaurin, professeur à la Sorbonne :
Lorsque je suis chez moi – présent
Si je sors, mais mais j’ai encore la main sur la poignée de la porte – passé composé.
Quelques ans plus tard, quand je suis dans une autre ville, en pensant à cette maison que j’ai laissée : - imparfait.
Quand je retourne un jour et, où il y avait une vieille maison pleine de souvenirs, je ne retrouve aujourd’hui qu’un grand centre commercial – passé simple.
La maison a été vendu et un tracteur a passé dessus. Le passé simple épargne toute une phrase.
Guimarães Rosa n’est pas facile à traduire. Même pas en portugais ! Il ne travaille pas vraiment avec des néologismes, mais avec un vocabulaire spécifique d’une région. On n’arrive pas à classifier cette langue de Rosa de « patois », mais s’en approche assez.
Rosa a un compte qui s’appelle A terceira margem do rio, en français : Le troisième rivage du fleuve et que le traducteur a choisi d’utiliser le passé simple pour introduire l’histoire. Lorsqu’on utilise le passé simple pour une version, on y rajoute une donnée qui n’existait pas dans le texte original. Puisque le passé simple détermine l’inviabilité du personnage, un avenir de non-existance. En portugais on ne le découvre qu’à la fin, puisque les temps verbaux ne peuvent pas exprimer par eux-mêmes l’annulation de l’être. À la deuxième ligne on retrouve le verbe « témoignèrent ». Et puis la phrase « Mais il se passa qu’un jour, notre père se fit construire une barque ». On sait tout de suite que cet homme s’en va pour toujours, et ce n’est pas le cas dans la version portugaise, là Guimarães Rosa construit ce départ peu à peu. C’est une histoire qui s’écoule. C’est le fleuve. Et le passé simple détruit la construction.
Ce n’est pas un mauvais choix, mais l’histoire change de rythme. Puisque c’est un fleuve, l’histoire découle doucement, comme les eaux qui vont vers la mer. On découvre le personnage petit à petit. E pourtant, dans la version française, on sait déjà ce qui va se passer. Rien ne changera plus jamais. En portugais on le sait aussi, mais on ne veut pas y croire, c’est trop absurde, on garde le doute jusqu’à la fin. Il y a même un petit moment où on croit avoir entrevu une alternative, un changement. Le fleuve fait une déviation, mais... malheur ! Il reprend sa voie.
Le passé composé admet les déviations, le passé simple nous emmène directement à la fin du tunnel : « Mais il se passa qu’un jour, notre père se fit construire une barque. » Plus de père. “Mas se deu que, certo dia, nosso pai mandou fazer para si uma canoa.” Mon père est toujours là. Il s’en va, mais il est encore là. Ambiguité que le passé simple n’autorise pas.
Pour finaliser je vous rappelle l’histoire de Camus, « L’étranger ». ici le verbe est un personnage essentiel : il est le narrateur. C’est le verbe qui éloigne cet homme de sa propre vie. Ce prisonnier n’existe plus, puisqu’il n y’a aucune solution pour celui qui a reçu la peine à mort. Par conséquence on ne peut parler de lui qu’au passé simple. A l’imparfait. Au passé composé. Pas au présent. C’est la structure narrative le fil de sa vie. C’est un point de vue. En portugais nous n’utilisons que le passé simple, qui ne veut rien dire. Qui ne raconte plus rien, juste que c’est du passé. N’en parlons plus. Et pourtant il y avait quelquechose d’autre, et nous l’avons raté. Nous ne pouvons pas le ratrapper ; la langue, la nôtre, ne nous offre pas de subsides. Nous allons avoir de doutes par rapport à certaines œuvres, puisque nous n’avons pas toutes les informations.
Mais ce sont peut-être aussi les doutes qui font l’importance des langues.

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