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sexta-feira, 26 de agosto de 2011
"Je ne suis pas n'importe qui..."
Extrait de la critique du Nouvel Observateur
ABSENT TONIQUE par Marjolaine Jarry
Et si le visage de Pierre Desproges était une phrase… Les lignes serrées d’une écriture fleuve dessinent, sur le front, des vaguelettes soucieuses. Le sourcil en accent circonflexe ironise et provoque. Entre les yeux, le grain de beauté est le point final d’une tirade qui chute sans appel, mais déjà, la phrase infinie, toujours reconduite, surfe sur la virgule du menton en fossette. Dans le sketch «le Miroir», Pierre Desproges, lui, dit : «Ca, des fossettes ? Dirait-on pas plutôt le cul râpeux d’une truie naine émergeant d’une fissure tellurique encore mouillée du sang des morts ?» Impossible d’évoquer l’humoriste sans l’imaginer dynamiter d’une impitoyable réplique toute tentative de discours sur sa personne. En connaissance de cause, les réalisateurs, Yves Riou et Philippe Pouchain, ont choisi de se taire. Nulle voix off dans leur film-portrait, où s’emmêlent interviews (de copains, de subtils exégètes et même de son épouse), petits films en super-8 dénichés dans les archives familiales et nombreux extraits de spectacles. La langue qu’on entend, c’est celle de Desproges. Il y a ses mots à vous plonger dans le dico (voir «melliflu», adjectif qu’il aimait tant, même s’il lui va bien mal – «qui a la suavité du miel»); ses figures de style comme les loopings d’un aviateur un rien fanfaron («Contrairement à moi qui suis obligé de m’entourer d’un tas de guirlandes, (…) j’admire ceux qui font des économies de vocabulaire, comme Annie Ernaux», disait-il (1); ses tirades d’un lyrisme échevelé qui cavalcadent, survolent mille esquifs, et soudain, au détour d’un virage, «tombent dans un ravin» (2). Pouf, pouf. On reste suspendus à ses phrases comme à des mèches allumées qu’on regarde se consumer sans savoir quand elles vont exploser. Ou quand l’imparfait du subjonctif est une arme atomique. Il avait prévenu : «Mon cadavre sera piégé.» Et c’est vrai, ça mitraille dru, ça déflagre sévère. Vingt ans après tout autant. Le journaliste Philippe Meyer constate : «Il est aux antipodes de ceux qu’on appelle aujourd’hui humoristes et qui sont des carpettes, à plat ventre devant les idées reçues.» Pierre Desproges, sur scène : «Les rues de Paris ne sont plus sûres. Dans certains quartiers chauds, les Arabes… Les Arabes n’osent plus sortir seuls le soir.» Ou encore, le célèbre «On me dit que des juifs se sont glissés dans la salle…» On redécouvre à quel point il va bien à tous les âges : à l’adolescence, son intolérance nous transporte. Plus tard, quand le cancer n’est plus une abstraction, ses harangues sur le sujet façon trompe-la-mort – même pas peur si tu crois que je vais arrêter d’en rire – se révèlent porteuses d’un courage infini, qui va de pair avec l’angoisse la plus aiguë, et s’offre, comme un don, à tous les vivants qui tremblent. Ceux-là même auxquels il voue une détestation féroce. Les objets de ses haines itératives : les jeunes, les vieux, les taxis, les journalistes, les Restos du Coeur, la gauche, la droite… «Il n’est pas dupe et nous demande de ne pas l’être non plus», alerte Bernard Pivot. C’est que le penseur retors déconstruit sans cesse ce qu’il énonce, préférant toujours l’inattendu, la surprise de l’humour.
Télérama n° 3034
(1) La plupart des citations sont extraites du livre de Marie-Ange Guillaume
Nouvel Obs Télé du samedi 20 décembre 2008
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